« Investir pour la santé des pattes est une stratégie gagnante »
Pour en finir avec les boiteries qui pénalisaient la production et désorganisaient le travail, Aymeric Dubost, éleveur à Biniville (50), a misé sur la prévention.
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« Je recherche des performances laitières, tout en limitant l’astreinte », explique Aymeric Dubost, éleveur à Biniville dans la Manche. L’agriculteur travaille avec 3 salariés pour produire 2,1 millions de litres, engraisser les taurillons issus du troupeau laitier et faire fonctionner une unité de méthanisation.
Les vaches en retard sont souvent celles qui boitent.
« 75 % de la main-d’œuvre est salariée. Ce qui implique une bonne organisation du travail pour arriver à tout faire dans les horaires », explique l’éleveur. Les imprévus peuvent vite faire déraper cette organisation, pourtant bien huilée. « Ce qui nous prenait du temps, c’était les 10-15 % de vaches en retard à la traite, analyse Aymeric Dubost. Nous avons remarqué que beaucoup de ces retardataires avaient des problèmes de pattes. » En effet, les vaches qui ont mal aux pieds se déplacent moins vers le robot. Elles vont aussi moins marger et boire, ce qui a des conséquences sur la production.
Une vache qui boite aura également des chaleurs de moins bonne qualité. « Le suivi de la progestérone par le robot le montre bien », confirme Aymeric Dubost. Limiter les risques et soigner rapidement les boiteries est nécessaire au respect du bien-être animal comme au maintien des performances de production. « En plus, avoir des vaches boiteuses, ça prend du temps pour les pousser vers le robot et les soigner », souligne Aymeric Dubost. Gagner de l’efficacité dans le travail passe donc ici par la santé des pieds : Aymeric Dubost a décidé de résoudre les problèmes de boiterie dans son troupeau.
Principalement de la dermatite
Première étape, l’éleveur a commencé par dresser un état des lieux. « 20 % de mes vaches avaient des problèmes de pattes, principalement à cause de dermatite. » La dermatite digitale, aussi appelée maladie de Mortellaro, a une origine bactérienne. Les bactéries pénètrent dans le pied à la faveur d’une lésion et causent des ulcérations. « Pour de meilleures chances de guérison, il faut intervenir rapidement, conseille Stevenn Clec’h, responsable ruminant chez Synthèse Elevage. Toutes boiteries confondues, des soins dans les 15 premiers jours permettent 85 % de guérison totale. Si on attend 21 jours, il n’y en a plus que 15 %. »
Pour aider les vaches à lutter contre ces bactéries, il faut leur assurer un bon statut métabolique par une ration de qualité. « Je veille à la stabilité de la ration sur l’année », souligne Aymeric Dubost, qui reconnaît être particulièrement exigeant sur la qualité des fourrages (utilisation de conservateurs, analyse tous les 2 mois). Une attention particulière est portée aux moments où l’immunité peut être fragilisée, comme pendant le peripartum. « La ration de préparation au vêlage est enrichie en sorbitol et en minéraux », détaille Aymeric Dubost.
Des pressions anormales et prolongées, sur un support inconfortable, comme peut l’être un sol bétonné, pour des pattes physiologiquement plus adaptées à un sol souple, peuvent entraîner des lésions des onglons. Des conditions humides et chargées en déjection sont aussi agressives pour la peau. Ces lésions seront une porte ouverte pour les bactéries. Pour réduire les risques, Aymeric Dubost a équipé la stabulation de tapis en caoutchouc. Le passage des racleurs toutes les deux heures limite l’humidité, favorable au développement des bactéries.
Avec des tapis, il faut parer régulièrement.
« Les tapis améliorent le confort, mais il faut parer très régulièrement les onglons car sur les tapis, il n’y a plus d’usure par abrasion », note l’éleveur, qui fait intervenir chaque mois un pédicure, Damien Lepaumier. « Il soigne les vaches avec un problème et réalise un parage fonctionnel sur les vaches avec des onglons trop longs ou à la démarche un peu dansante. Sa venue est aussi un moment d’échanges sur la santé des pieds du troupeau. »
Bien positionner son pédiluve
Une fois que la dermatite est entrée dans un bâtiment, les mesures de prévention doivent être complétées par un protocole de traitement pour endiguer la maladie. Pour le réaliser, Aymeric Dubost a décidé, il y a 2 ans, d’installer un pédiluve. Dans un premier temps, il a envisagé de le mettre au niveau des robots. « Mais, je me suis dit que ce n’était pas une bonne idée que les vaches associent le robot au traitement, concède-t-il. J’ai préféré installer un pédiluve à un autre endroit de la stabulation. »
Sur les conseils de Stevenn Clec’h, Aymeric Dubost l’a positionné à l’autre extrémité de la stabulation. Le pédiluve est encadré de pans inclinés terminés par une bordure de plastique en bas, afin qu’il n’y ait pas de projection de produit à l’extérieur. Un des côtés peut être ouvert complétement afin d’intervenir rapidement si une vache tombe. A l’entrée du pédiluve, une marche en biais aide les vaches à entrer avec une bonne foulée, sans sauter. À côté, l’éleveur a installé une cuve de 100 litres pour remplir facilement le pédiluve.
Il fallait un produit qui ne perturbait pas les fermentations du méthaniseur.
En plus du bon endroit, il faut trouver le bon produit à mettre dans le pédiluve. Quand les effluents sont utilisés pour la méthanisation, comme c’est le cas chez Aymeric Dubost, il faut veiller à ce que les résidus médicamenteux qui pourraient se retrouver dans le lisier ne perturbent pas les fermentations. Dans un premier temps, l’éleveur a utilisé du formol. « Mais c’est un produit très volatil, qui est dangereux, y compris pour les intervenants. Après le passage au pédiluve, j’observais un pic de mammites, peut-être à cause d’irritations causées par des éclaboussures sur le sphincter », s’interroge Aymeric Dubost qui préfère changer de produit.
Il opte pour Hoof-Fit pédiluve, proposé par Synthèse Elevage. « C’est un produit à base de chélate de zinc, de chélate de cuivre et d’aloé vera, détaille Stevenn Clec’h. C’est un produit qui est efficace sans être agressif. Il ne perturbe pas le fonctionnement du digesteur. » Tous les jeudis matins, les vaches passent dans le pédiluve. Grâce à une installation bien pensée, il faut moins d’une demi-heure à 3 pour gérer l’intervention. En plus, les vaches présentant des ulcères sont traitées individuellement.
L’ensemble de ces mesures a permis de nettement réduire les boiteries. « Ce matin, on est allé chercher seulement 4 % des vaches, et encore, il y avait d’autres raisons au retard que les boiteries, partage l'éleveur. On a également beaucoup moins de réformes subies pour cause de boiteries. » La bonne santé des pieds bénéficie autant au bien-être des vaches qu’à l’efficacité du troupeau.
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